Guerniquée – Peinture en 3D rouge et bleu
Hommage au célébrissime tableau de Picasso
Un clin d’œil à Guernica plus qu’un pastiche
Guerniquée, du peintre rouennais Samuel Favarica s’inscrit dans un jeu en écho avec l’œuvre de Picasso, Guernica.
Au‑delà d’un dialogue avec les lignes et les thèmes du peintre du cubisme, elle porte aussi une réflexion sur le regard et la construction des images, en initiant une série de tableaux en 3D autour de la technique de l’anaglyphe.
Le tableau « Guernica » de Pablo Picasso dénonce la violence de la dictature franquiste en représentant l’horreur de la guerre civile espagnole. Peinture de style cubiste et expressionniste considérée comme un chef‑d’œuvre de l’art moderne, elle symbolise la défense de la paix et de la liberté face à la sauvagerie de l’oppression fasciste et nazie.
En référence directe à la destruction du village espagnol Guernica y Luno en 1937 lors de la guerre d’Espagne, cette œuvre, l’une des plus célèbres au monde, est représentative de l’engagement des artistes contre la guerre et contre la violence.
On peut citer aussi d’autres tableaux emblématiques comme « Les Inaptes au travail » de David Olère, « La Guerre » de Otto Dix et le fameux tableau « Tres de Mayo » de Francisco de Goya…
Début 2022, le galeriste René Réthoré († 2022) me proposait de réaliser une œuvre autour de l’érotisme pour une exposition intitulée « L’Art en Rut » qui devait se tenir dans le courant de l’année au sein de sa galerie rouennaise.
La Russie venait d’envahir l’Ukraine depuis le 24 février 2022.
En conséquence de quoi l’évocation de Guernica devenait prééminente.
Démontrer le caractère sexuel qui sous‑tend l’œuvre de Picasso permet une analogie entre le sexe et la pénétration, l’agression et l’assujettissement.
Guernica, une œuvre chargée d’un érotisme sous‑jacent
Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements…
« Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements, c’est un instrument de guerre offensif et défensif contre l’ennemi » écrivait Picasso dans la publication littéraire Les Lettres françaises du 24 mars 1945.
Exposée à Madrid, au Musée national centre d’art Reina Sofía, cette œuvre de Pablo Ruiz Picasso est manifestement politique.
Toutefois – comme beaucoup de tableaux de Picasso – elle est aussi intensément chargée d’un érotisme intrinsèque. L’expression des figures déformées, la tension extrême des corps et leur nudité – représentations graphiques de la violence et des dégradations subies lors des conflits armés, évoque les exactions commises durant les guerres.
La lampe électrique, avec la forme de son abat‑jour, présente une ressemblance avec un sexe féminin, ses éclats lumineux en sont la pilosité. Tout comme cette forme oblongue, blessure qui, dans son alignement, se dessine sous la gueule de la figure centrale du cheval et s’apparente ostensiblement à une vulve, pareillement pour le losange qui dessine la pointe de lance à sa droite.
Les glandes génitales du taureau, emblème de l’Espagne à gauche, le manche de la lance qui transperce le ventre du cheval, la flèche dressée située sous sa croupe, en bas à gauche de la composition, ainsi que le glaive brisé en symétrie sont autant de représentations sexuelles masculines évidentes.
Éros et Thanatos
Sigmund Freud en utilisait le nom pour symboliser la pulsion de mort, Todestrieb, corrélative de la pulsion de vie, Lebenstrieb, ou Éros, divinité primordiale de l’Amour et de la puissance créatrice.
Le soldat au glaive, unique figure masculine de ce tableau, est fortement symbolique, celui‑ci démembré et sa lame, symbole phallique par excellence, brisée. On peut établir un lien entre cette figure et l’angoisse de castration, menace dont parle Freud dans son livre Inhibition, symptôme et angoisse, écrit en 1925 et publié en 1926 : « Je m’en tiens fermement à l’idée que l’angoisse de mort doit être conçue comme analogon de l’angoisse de castration ». Freud ne parle pas d’équivalence mais bien d’analogie – du parallèle symbolique entre la mort et la castration.
Castration qui représente l’impuissance face au déferlement franquiste, fasciste et nazi.
Guerniquée
Le titre Guerniquée, amalgame lexical, est le mot‑valise de Guernica et de niquée.
Étymologie de niquer
Niquer est aussi dérivé de nik qui, en arabe populaire parlé en Afrique du Nord, signifie « faire l’amour », ou de nikāḥ, « coït ». C’est encore l’abréviation de forniquer.
Niquer n’a aucun rapport avec « pique‑nique », inspiré du verbe « piquer », par allusion aux poules qui picorent, et de « nique », qui signifiait en ancien français « une chose sans valeur ».
S’il est utilisé pour le sexe, le verbe niquer est également employé comme synonyme d’attraper ou de posséder, de tromper ou de duper, mais aussi pour exprimer casser et abîmer.
Viol et invasion
Le titre Guerniquée était tout trouvé : car, outre la thématique de l’œuvre, la sonorité du premier phonème évoque dans la langue française instantanément la guerre.
Citations : de Michel‑Ange à Luis Buñuel en passant par Gustave Courbet
Il est aussi fait référence à d’autres artistes, qui, à l’instar de Picasso, sont autant de figures importantes de l’histoire de l’art : le réalisateur surréaliste d’avant-garde Luis Buñuel, espagnol naturalisé mexicain, le peintre réaliste français Gustave Courbet ainsi que l’immense artiste peintre et sculpteur, poète, architecte et urbaniste florentin, Michel‑Ange.
La scène du film « Un Chien Andalou », de 1929, où Luis Buñuel se montre lui‑même sectionnant l’œil d’une jeune femme avec un rasoir est une allégorie de l’acte sexuel.
« L’Origine du monde », tableau peint en 1866 par Gustave Courbet, est une œuvre éminemment provocatrice, parce que réaliste à une époque où l’érotisme était seulement toléré pour des sujets mythologiques ou oniriques.
Achevée vers 1511, « La Création d’Adam » figure parmi les neuf fresques inspirées du livre de la Genèse, peintes par Michel‑Ange sur la partie centrale de la voûte du plafond de la chapelle Sixtine. Icône universelle de l’art, maintes fois citée, saluée ou parodiée, sa représentation de l’index de Dieu pointe ici une verge en érection. Alors que, sur la paroi derrière l’autel de la chapelle, la nudité des corps du « Jugement dernier », peint entre 1536 et 1541, fut pudiquement recouverte par Daniele da Volterra sur la consigne du pape Paul IV, qui envisagea même de faire détruire la composition. Au fil des temps, différents papes ont également décidé de faire habiller différents personnages secondaires dénudés et la menace de destruction totale de l’œuvre refit surface à l’occasion des pontificats de Pie V, de Grégoire XIII ou de Clément VIII.
Ces citations picturales ajoutent distance et légèreté à la symbolique de l’agression sexuelle étayée par Guerniquée…
Encre de Chine et encre à l’alcool sur papier marouflé sur toile de lin
Anaglyphe
Une œuvre en 3D stéréoscopique visible avec des lunettes bleu et rouge
Contrairement à la stéréoscopie classique, qui utilise deux images séparées projetées à chaque œil, l’anaglyphe contient les vues gauche et droite séparées par l’utilisation de couleurs complémentaires mais toutefois présentes au sein de la même image. Les couleurs utilisées le plus souvent sont par convention le rouge et le bleu, qui sont combinées pour créer une illusion de profondeur et de relief lorsqu’elles sont observées à travers des lunettes aux filtres correspondants. Le filtre rouge révèle le bleu et fait disparaître le rouge alors qu’à l’inverse, le filtre bleu révèle le rouge et fait disparaître le bleu.
Ce procédé implique donc la réalisation de deux images séparées qui représentent les vues gauche et droite d’une scène ou d’un objet, et sont combinées en une seule en utilisant des couleurs rouge et bleu légèrement décalées l’une par rapport à l’autre.
Ainsi, lorsqu’on regarde l’anaglyphe à travers des lunettes aux filtres des couleurs correspondantes, l’œil droit, à travers le filtre bleu, ne voit plus l’encre bleue au profit de la représentation à l’encre rouge et, l’œil gauche, à travers le filtre rouge, ne voit plus l’encre rouge au profit de la représentation à l’encre bleue.
Le cerveau interprète alors les deux images décalées horizontalement pour n’en créer qu’une seule, donnant l’illusion de relief et de profondeur (ce que nos yeux, du fait de leur écart, perçoivent naturellement en observant des objets situés à différentes distances).