Elephant Man
Elephant Man – Une œuvre en 3D issue d’anaglyphes en peinture sur le thème des monstres
Pourquoi les monstres ?
Longtemps considérés comme des symboles de malheur ou de malédiction, ceux‑ci ont servi de mises en garde ou d’explications face à des phénomènes inconnus. Les contes et légendes abondent de ces créatures étranges et effrayantes, dont l’existence n’est jamais anodine.
Pourtant, c’est bien au cours des XVIIIe et XIXe siècle et à travers le roman gothique que leur popularité a connu une explosion sans précédent. Né en Grande‑Bretagne à la fin du XVIIIe siècle, ce genre littéraire met en scène la peur et l’horreur pour explorer les tabous sociaux et religieux de son époque. En effet, le récit gothique a une fonction morale, celle de montrer les conséquences néfastes de la transgression des normes et de rétablir l’ordre à la fin de l’histoire.
Ce contexte fît naître deux monstres légendaires : le vampire Dracula et la créature de Frankenstein. Une veine sombre et mélancolique qui a durablement influencé la culture populaire et continue aujourd’hui d’exercer une immense fascination dans l’imaginaire collectif.
Quand les monstres en 3D amènent du relief à la culture populaire
Les anaglyphes, images conçues pour être vues en 3D avec deux filtres de couleurs différentes disposés devant chacun des yeux de l’observateur, existent depuis le XIXe siècle. Décrit dès 1853, ce procédé fut présenté en 1858 à l’Académie des sciences de Paris et perfectionné puis mis au point en 1891 par le français Louis Ducos du Hauron qui lui en donna le nom, anaglyphe.
Si Louis Lumière adapte dès 1936 le procédé de la stéréoscopie et de la photostéréosynthèse au cinéma (Les essais de Lumière pour le cinéma en relief | étapes de la photostéréosynthèse) celui‑ci reste marginal. Il faudra attendre les années 50 aux États‑Unis pour que la 3D devienne populaire au cinéma, avec… les films de monstres !
« Bwana Devil » (dont la première projection eut lieu en 1952) est le premier long métrage réalisé en 3D d’une vague de films qui déferla cette décennie aux États‑Unis.
Mais le plus emblématique des films de monstres du cinéma en 3D est sans‑doute L’Étrange Créature du Lac Noir pour son apparition en 1982 dans la culture populaire française. Film américain sorti en 1954, « L’Étrange Créature du Lac Noir » réalisé entre octobre et novembre 1953 par Jack Arnold sera en effet diffusé en France le mardi 19 octobre 1982 sur FR3 dans le cadre de l’émission « La Dernière Séance » présentée par Eddy Mitchell.
L’émission eut un succès d’audience considérable (audience record d’environ 50%) et 4 millions de lunettes 3D furent importées des États‑Unis afin que le grand public puisse visionner ce film en trois dimensions de chez‑soi, en diffusion nationale à la télévision française.
Elephant Man n’est pas un monstre de papier
Elephant Man n’est pas un monstre de papier, il n’est ni un personnage de fiction ni un monstre du reste, mais une personne réelle, qui fut présentée comme phénomène de foire en raison de sa difformité physique.
« Elephant Man », sorti en 1980, est aussi le titre d’un film britannique, deuxième long métrage réalisé par David Lynch, qui raconte la vie (fantasmée mais inspirée de faits réels de l’ère victorienne) de Joseph Merrick, phénomène de foire – comme nombre d’êtres humains affectés de difformités ou d’anomalies physiques congénitales graves au XIXe siècle.
Né à Leicester, Angleterre, en 1862 Joseph Carey Merrick se fit admettre à l’hospice pour pauvres de sa ville natale et retirer une partie de l’excroissance lui déformant la lèvre supérieure, ayant l’apparence d’une trompe. Il fut ensuite exhibé sous le nom d’« Homme Éléphant » dans des salles itinérantes en Grande‑Bretagne, puis au‑delà de la Manche sur le continent européen. Il est mort d’étouffement à Londres en 1890, après que sa tête se fut renversée vers l’arrière en lui comprimant ainsi la trachée.
Pour une œuvre traitant d’un thème aussi intense et dramatique une utilisation de la 3D peut en effet sembler inappropriée, voire décalé, en regard à la vie d’avilissements et les souffrances endurées par Joseph Carey Merrick. Car si certaines histoires bénéficient de l’atmosphère immersive créée par l’emploi de la 3D anaglyphique, d’autres peuvent en pâtir.
Une peinture en 3D par anaglyphe pourrait être déplacée
Et pourtant…
Ce tableau représente Elephant Man ; j’ai toutefois préféré peindre le portrait de l’acteur John Hurt qui joua le rôle de Joseph (John) Merrick dans le film de David Lynch plutôt que celui de Joseph Merrick lui‑même par respect posthume pour sa personne.
L’étrangeté du sujet contraste avec la beauté de la figure féminine sur le point de fuir, qui le regard effarouché en détourne la vue.
Ainsi l’artifice est dans la 3D et l’anaglyphe le symbolise dans cette peinture.
Car plus que le constat de la conformité généralisée aux conventions esthétiques – ici anatomiques – et sociales, celle‑ci représente le rejet fondamental de la différence.
Encre de Chine et encre à l’alcool sur papier coton 300g/m2 marouflé sur toile de lin
Anaglyphe, réalisation d’une peinture en 3D stéréoscopique
L’anaglyphe est une technique de création d’image reconstituant l’impression de relief, qui se réfère à la notion de stéréoscopie.
Théorisé dès le milieu du XIXe siècle, son principe est fondé sur la compréhension du cerveau qui restitue une image en 3D par la combinaison des informations visuelles provenant de chaque œil.
Reconstitution stéréoscopique de deux images de la même scène, à partir de positions légèrement différentes toujours sur l’axe des abscisses, horizontal comme celui de nos yeux, ce procédé consiste à séparer les images gauche et droite dans une même image en utilisant des couleurs complémentaires (généralement le rouge et le cyan).
Des lunettes 3D aux filtres correspondants sont alors utilisées pour en révéler l’effet.
L’image étant composée de figures en rouge et en cyan qui disparaissent complètement devant les couleurs des filtres respectifs (le filtre rouge étant porté devant l’œil gauche, tandis que le filtre cyan est porté devant l’œil droit).
Ainsi lorsqu’on regarde l’image avec ces lunettes, l’œil gauche ne verra que le dessin en cyan et vice‑versa, produisant ainsi l’effet de relief et de profondeur tridimensionnelle.